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     De Haut Vol

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    Jilezor
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    MessageSujet: De Haut Vol   De Haut Vol Icon_minitime07/05/09, 01:29 pm

    Une fois de plus, Jilezor fut désorienté en débouchant du portail dimensionnel qui le menait sur Abeir-Toril. Maugréant, il rangea le module étrange dans sa gibecière. Sa belle-mère laissait entendre que ce désagrément finirait par disparaître, sans être toutefois catégorique, alléguant que les origines azérothiennes de Jilezor excluaient toutes certitudes.

    « Pour entendre un p’t’être bien qu’oui, p’t’être bien que non, j’aurais eu aussi vite fait de demander à ce maudit Plùme... »

    Par pur réflexe, il lança un sort d’Intelligence des Arcanes, avant de se rappeler que sa magie ne fonctionnait pas ici. La magie ne lui manquait pas tant – à son propre étonnement – mais l’habitude était si profondément ancrée en lui qu’il ne se passait pas une heure sans qu’il ne s’essaya vainement à incanter. Quand il se rendait compte de ces tentatives avortées, il trouvait que son esprit ne valait pas mieux que celui d’un chiot stupide à qui il fallait tout apprendre. Il était bien loin de l’aigle qu’il aurait voulu être.

    Pour tout dire, ce n’était pas la magie qui lui manquait le plus. À la vérité – et à sa plus grande honte – c’était le statut. En arrivant sur Abeir-Toril, il passait de l’état de magicien - lettré - couturier - haut-enchanteur à simple couturier. Non pas qu’il considérait qu’un couturier vaille moins qu’un autre, mais cela lui donnait l’impression qu’une partie de sa vie – à laquelle il tenait – était partie en volutes de fumée dans l’air doux d’Abeir-Toril. Même si sa jeunesse n’éveillait pas que de bons souvenirs chez lui, il n’aurait voulu à aucun prix l’oublier.

    « Ne fais pas l’idiot, l’aiglon ! Tu savais bien, en te mettant avec une Femme comme elle, qu’il y a aurait nécessairement des sacrifices à faire. C’est sans doute toujours ainsi quand on a de si grandes ambitions que d’être aimé par quelqu’un comme elle. »

    Balançant entre l’amour et les atermoiements, Jilezor n’entendit pas les bruits de pas feutrés qui venaient à sa rencontre. La première chose qu’il remarqua quand il la vit, c’était la robe bouffante en damas noir et or. Une mantille de velours noir bordée d’hermine attirait l’attention sur le strict col montant. Le moins sage dans l’ensemble, c’était la chevelure brune, longue et libre, un étrange contraste avec le reste de la mise. Le tout dénotait richesse et puissance, ainsi que la liberté qui les accompagne souvent. Du visage, de la rondeur des formes, de la fraîcheur du teint, de l’élégance de la démarche, Jilezor n’aurait su rien dire. Était-il trop timide, ou n’était-elle pas assez féminine ? Une chose était certaine, elle venait des appartements de Sheen. Une amie sans doute. Jilezor n’était pas d’une nature mondaine, et son épouse n’essayait pas d’y changer quoi que ce soit. Il ne connaissait aucune de ses relations, et elle ne semblait pas pressée de les lui présenter. Certains mondes ne sont vraisemblablement pas faits pour se mélanger.

    Arrivé devant la porte, Jilezor épousseta son costume – par pur acquit de conscience. Le cœur déjà en alerte, il frappa puis, sans attendre de réponse, entra. La dame n’était pas là : la chambre était vide. Ou tout du moins, vide de sa présence. Le lit à baldaquin trônait au milieu de la grande pièce, comme un radeau en pleine mer. (Et Jilezor y avait apprécié toutes les traversées, les plus mouvementées comme les plus calmes.) À gauche, le bureau à cylindre où elle passait beaucoup de temps était ouvert : Sheen n’était pas bien loin. Depuis plusieurs semaines, son « état » la rendait parfois nauséeuse, et dans ce genre de circonstance Jilezor avait tout intérêt à se montrer discret. En continuant à faire le tour de la pièce, on arrivait devant les deux grandes armoires, la partie émergée de sa garde-robe. (Elle avait permis à Jilezor d’en utiliser une étagère.) Une immense malle à compartiments occupait l’autre angle. C’était une sorte de fourre-tout, où l’on trouvait pêle-mêle des affaires de voyage, des plans de divers cités, des dagues, une épée courbe, un chapeau d’été, une trousse de serrurier, et des milliers de choses auxquels Jilezor était bien incapable d’associer un nom.

    Le coin suivant, le plus charmant excepté le lit, était son préféré (et peut-être aussi celui de Sheen). Il l’appelait le Temple, preuve qu’il avait parfois de l’imagination. Il s’agissait d’un bureau de bois blanc encombré d’une multitude de coffrets, boîtes, objets et ustensiles. En son centre, une demi-psyché dorée attirait l’œil et la lumière. On avait peint la bordure d’une fresque miniature où des dragons stylisés protégeaient de leurs ailes des humains. Quand la lune venait éclairer ces saynètes, les dragons se mettaient par quelque magie à briller d’une vive lumière argentée. Tout à côté, un boite à tiroirs, blanche et bleue, présentait une dizaine de fioles et autant de flacons. De petites cordelettes dorées y retenaient parfois un minuscule billet, où on lisait : Entêtante, Capiteuse, Tentatrice, Enjouée, Fatale, Boudeuse ou encore Séductrice. Quelques centimètres plus loin, Jilezor caressa la brosse à cheveux. Il inspecta la nacre du manche, certain d’y retrouver la marque de ses doigts. Souvent, le soir, Sheen l’autorisait à libérer sa chevelure de feu et, plaisir partagé, à longuement peigner ses cheveux. Jilezor, alors, se permettait quelques privautés, et de sa main libre s’enhardissait à lui caresser le cou et les épaules.

    Le sourire aux lèvres, il reposa avec douceur l’objet du délit, et continua sa coupable inspection. Des pinceaux de diverses couleurs reposaient à côté de pochoirs, lesquels côtoyaient une pierre de khôl. Un peu plus loin encore, un coffret laqué légèrement entrebâillé invitait les regards espions. Après avoir jeté un coup d’œil par-dessus son épaule, Jilezor ouvrit la boîte à bijoux. Et puis, du reste, il en avait parfaitement le droit : il en avait lui-même offert une bonne partie à son épouse. En observant le petit trésor qu’il avait devant lui, il fut bien obligé de rectifier le ‘une bonne partie’ en ‘une petite partie’.

    Il y avait, en bonne place, le coeur de cristal qu’il avait lui-même fondu, et la bague de fiançailles – or blanc et or jaune – ainsi que le bracelet doré en vaguelettes – leur premier anniversaire – la broche en argent – pour sa fête – et d’autres encore, mais c’était une faible portion du tout. Il y avait – c’est entendu – de nombreux cadeaux de ses parents, on les reconnaissait facilement, ils étaient superbes, certes, mais aussi très ‘sages’. Malheureusement, il en restait encore quelques-uns dont la provenance n’était pas élucidée. Des prétendants ? Des amoureux ? Pire ! des amants ?… Ainsi, ce collier de cuivre : venait-il d’un admirateur ? Ces brillants : n’étaient-ils pas des cadeaux galants ?
    à suivre...
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    Gorbs
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    MessageSujet: Re: De Haut Vol   De Haut Vol Icon_minitime07/05/09, 01:35 pm

    (toujours aussi plaisant à lire


    ... et Grrr ca me fait penser qu'il faut que je finisse mon texte... je m'y attelle ce Week-end)
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    Lorac
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    MessageSujet: Re: De Haut Vol   De Haut Vol Icon_minitime08/05/09, 10:04 am

    Excellent, comme toujours !
    A quant la suite ?
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    MessageSujet: Re: De Haut Vol   De Haut Vol Icon_minitime09/05/09, 11:07 am

    « Que croyais-tu, abruti ? Que tu étais le premier, voire le seul ? »

    Mais la curiosité l’emportait sur la sagesse, et il continuait à s’user l’âme et les yeux sur cette bijouterie. Il tomba sur une pièce qui s’associait mal au reste : un camée noir et vert, sans dorures ni précieux d’aucune sorte, presque même sans prétention. Que venait faire un tel bijou parmi les trésors de son épouse ? Jilezor le prit et s’approcha de la fenêtre pour l’inspecter de plus près, à la lumière. Depuis qu’il connaissait Sheen, il avait compulsé au moins trois livres sur les bijoux et les pierres précieuses – dont le Petra Ostentatum Majorem. C’était d’ailleurs sa ligne de conduite habituelle : devant chaque nouveau problème, il prenait le temps de lire les meilleurs ouvrages sur la question avant de prendre la moindre décision. Signe de sagesse ou de manque de confiance en soi ? Toujours est-il que les bijoux n’avaient pas fait exception à la règle. Et, s’il ne se considérait pas comme un expert dans le domaine, il avait toutefois de très bonnes notions. Et l’absence de toute ornementation superflue sur ce camée n’était pas un hasard, il en était persuadé. À la lumière déclinante du soleil d’Abeir-Toril, il put admirer la finesse de la gravure. Le fond du camée, qui mesurait près de quatre pouces dans sa plus grande longueur, était d’une couleur noir irisée et miroitante. Le sujet lui-même représentait un arbre, et son vert profond indiquait qu’il était de jade.

    Jilezor savait les camées composés d’une seule pierre, taillés pour faire apparaître des motifs en reliefs en utilisant habilement les veines colorées de la pierre d’origine. Ainsi, la sardonyx y était une pierre de prédilection : les veines d’onyx donnant ce noir si particulier, qu’on utilisait pour le fond, et la sardoine permettait de graver le motif dans une teinte rouge. Mais jamais il n’avait vu un camée mêlant l’onyx au jade. Ca semblait même impossible.

    « Choupinet ?! »

    La voix de Sheen – qu’il aimait beaucoup, pourtant – lui fit faire un bond prodigieux, et à une vitesse dont il ne serait pas cru capable, il cacha le camée dans ses poches. Le temps de se retourner, il s’était composé un visage à peu près serein.

    « Imé !! Je viens juste d’arriver… Vous m’avez presque fait peur.
    - Je vois ça.
    - Je… j’observais le domaine dans la lumière du soir… Euh, c’est très beau.
    - Mais, dis-moi, c’est passionnant, tout ça. Hum, c’est vrai que je ne t’attendais pas si tôt. Tu n’as croisé personne en arrivant ?
    - En arrivant ? Non, personne, s’obligea-t-il à mentir, pour cacher qu’il était là depuis cinq bonnes minutes. Et vous, mon amour ? Comment s’est passée votre journée ?
    - Eh bien, si on ignore les désagréments dont tu es la cause, et ce disant elle montrait son ventre arrondi, c’était une très bonne journée. Mais un peu fatigante. Hum, voilà que je suis de bonne humeur. Tu peux me brosser les cheveux, si tu y tiens vraiment. »

    Jilezor ne se fit pas prier. Le cérémonial était bien rodé, il installa le plus confortablement possible Sheen devant la demi-psyché, puis avec une lenteur étudiée, il lui dénouait les cheveux. Puis, les faisant bouffer, il les étalait sur ses épaules. À ce moment seulement, il s’armait de la brosse.

    « Et toi, Choupinet ? Comment était Azeroth aujourd’hui ? Elle aimait parler pendant le rituel, au plus grand plaisir de Jilezor.
    - Azeroth est bien terne sans vous, mon amour. Et cette ancienne planète, qu’on nomme déjà Outre-terre, semble plus désolée encore. Il y a peut-être, néanmoins, un endroit qui vous plairait…
    - Qui sait ? C’est possible. Mais cela attendra que je puisse voyager.
    - Bien sûr, imé, nous avons tout le temps du monde. Je vous y mènerai. C’est bucolique à souhait.
    - Moi, je n’ai pas chômé aujourd’hui. Ce qui prouve que sans bouger de sa chambre, on peut faire de grandes choses. Tu ne connais pas assez l’histoire de ce monde pour comprendre, bien sûr, alors je te passe les détails. Mais si tu comprenais, tu serais fier de moi.
    - Mais, je suis fier de vous, sans même avoir besoin de comprendre : je vous aime.
    - Ne sois pas sot. Dire ‘je t’aime’ à quelqu’un, ça veut surtout dire : ‘toi, m’aimes-tu ?’ Manquerais-tu de confiance en moi ? Si c’est ainsi, je veux le savoir.
    - Mais non, Imé, balbutia-t-il. Je ne remettrais jamais en cause votre amour…
    - Voilà qui est mieux. Mais ne t’arrête pas de me peigner surtout. »

    Alors le grand magicien, le lettré, le haut-enchanteur… alors le simple couturier mettait toute sa science, tout son talent, tout son art, en un mot tout son âme à faire plaisir à cette femme qu’il croyait sienne. Et il était payé en retour car ses efforts n’étaient pas vains : il la sentait se relaxer, se laisser aller, s’enfoncer dans un indicible bien-être. Concentré qu’il était sur sa tâche, c’est à peine s’il l’entendait farfouiller dans le capharnaüm typiquement féminin qui se tenait à portée de ses mains. Et, au bout de quelques minutes, c’est d’une voix pas vraiment détendue qu’elle s’adressa à lui :

    « Choupinet ? Tu voudrais m’être agréable ? Tu pourrais aller en ville pour moi ?
    - Bien sûr, imé, tout ce que vous voulez. J’irais dès demain, avant de retourner en Azeroth.
    - Tout de suite serait préférable.
    - Mais il est tard, Imé. Je pensais rester avec vous, et profiter du...
    - D’accord. J’ai compris. La prochaine fois, je demanderais à quelqu’un d’autre.
    - Mais non, voyons, se rengorgea-t-il, je vais y aller, et séance tenante même ! Quelle est donc cette course urgente ?
    - Tu iras à l’Auberge des Deux Mondes, et tu demanderas après Node. Il s’avère que Node a un cadeau pour moi, et j’aimerais le récupérer sur l’heure, vois-tu ?
    - Qui est ce Node ? De quel droit a-t-il des cadeaux pour vous ??
    - Jilezor, pitié, ne joue pas les faussement jaloux... Cela te va très mal.
    - Oh, mais je NE joue PAS : je suis VRAIMENT jaloux, expliqua-t-il en articulant. C’est différent. Bon, je vais faire préparer la calèche, je serai de retour dans...
    - Non, selle plutôt un cheval. Ca sera plus rapide, et ainsi tu seras plus vite de retour à mes côtés.
    - En effet, je n’y avais pas pensé. Suis-je bête ?
    - Ai-je dit cela, Choupinet !? Elle avait son sourire enjôleur. Reviens vite. Je sais que je suis parfois odieuse, mais c’est à cause de cette grossesse. Oh, et puis tu sais, j’aime bien quand tu es un peu jaloux... »
    à suivre...
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    Kyrelia
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    MessageSujet: Re: De Haut Vol   De Haut Vol Icon_minitime09/05/09, 09:35 pm

    Pauvre Jilezor ... Mais ou est le grand homme si sûr de lui - qui à dit imbu de lui même ? - ?? *rires*

    Les hommes sont bien faibles, trop faibles ... *rires*
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    Jilezor
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    MessageSujet: Re: De Haut Vol   De Haut Vol Icon_minitime11/05/09, 05:48 pm

    Arrivé à la porte, il fit demi-tour, mi-figue mi-raisin :

    « Imé ?... Avant, vous m’appeliez Anwylid...
    - Oui, je sais... C’était avant, Choupinet. »

    Et le rouge aux joues – et les larmes aux yeux – il se détourna d’elle, incapable d’affronter le calme et la douceur de ses paroles. C’était avant, se répétait-il, en descendant aux écuries, c’était avant. Avant quoi ? Il n’en savait rien, pas même sûr de vouloir le savoir. Qu’est-ce donc qui avait changé ? Il trouva Neven, un grand bai qu’il aimait bien. Que voulait-elle dire par là ? Il le sella en toute hâte, comme s’il avait la mort aux trousses. Il enfourcha le hongre et parti au galop, n’osant même pas se retourner craignant sans doute d’être transformé en statue de sel.

    Neven était une bonne bête, un cheval taillé pour la vitesse. Ce qu’il perdait en endurance, il le rendait en fougue. Le vent qui giflait le visage de Jilezor emportait avec lui ses idées sombres. Après tout, la promenade allait lui faire le plus grand bien. Quant ils dépassèrent les bosquets qui marquaient l’entrée du domaine, Neven passa au grand trot, sans doute essoufflé par ce départ précipité. Mais sans que Jilezor ne le sollicite d’avantage, Neven garda l’allure. Jilezor lui flattait l’encolure, lui donnant du brave bête.

    Quand ils arrivèrent dans les faubourgs, la faune diurne laissait la place à celle, plus inquiétante, nocturne. Il y avait encore de l’activité dans les rues, et les passants s’écartaient prestement de la trajectoire du hongre. La nuit était totalement tombée quand ils arrivèrent devant l’entrée des Deux Mondes. Il tendit la bride à un jeune garçon d’écurie, lui recommandant de garder Neven prêt à repartir. Il demanda qui plus est qu’on lui donna de l’avoine.

    L’Auberge des Deux Mondes, il faut bien en convenir, ne manquait pas de classe. Un majordome introduisit Jilezor dans la demeure. Les plafonds y étaient hauts, l’éclairage agréablement dosé ; tout n’y était que velours, dorures, miroirs et soies. La maîtresse des lieux (un tel goût ne pouvait être totalement masculin) avait voulu afficher une évidente richesse, sans verser dans l’excès et l’ensemble était charmant sans être écrasant. Jilezor se dit qu’il reviendrait ici, ne serait-ce que pour profiter de l’ambiance et de la compagnie. Il fit demander Node, et on le conduisit à l’étage dans une pièce aux tentures mauves, où une chanteuse se produisait. L’ambiance ici semblait un rien plus libérale qu’au rez-de-chaussée, mais les bonnes manières étaient quand même de rigueur. Enfin, on indiqua à Jilezor le sieur Node.

    Le personnage en question se tenait debout à un angle de la salle, appuyé contre le mur, les bras croisés, observant un à un les occupants de la salle, avec une lenteur affectée. Il portait un uniforme de serge grise à lourds boutons dorés, et un sabre à son flanc gauche venait parachever le statut martial. Son visage était fin et bien dessiné mais des cheveux châtains coupés en brosse le durcissait un peu. Il y avait quelque chose de féminin chez lui, et Jilezor ne s’étonna pas que les quelques femmes présentes dans la salle cherchent à accrocher son regard. Node avait un succès certain. Ce qui ramena subrepticement le sujet sur les relations entre Sheen et ce Node. Jilezor écarta cette pensée, et aborda le militaire.

    « Messire Jilezor ?! La voix était lente, basse.
    - Nous nous connaissons ? s’enquit Jilezor, surpris par l’apostrophe.
    - Grands dieux, non. N’imaginez rien de tel. Mais moi, oui, je sais qui vous êtes. La famille de votre épouse est connue par ici.
    - Ah, oui, mon épouse… Bien sûr. C’est justement pour elle que je suis là.
    - Tout va bien ? Vous m’inquiétez. Il semblait vraiment soucieux, ce qui énerva Jilezor plus encore.
    - Vous avez quelque chose pour mon épouse, et elle souhaitait le récupérer sur l’heure.
    - Plait-il ? C’est quelque chose qu’elle vous a dit, ou vous venez de votre propre chef ?
    - Qu’avez-vous besoin de le savoir ? C’est elle qui m’a dit que vous aviez quelque chose pour elle, et c’est de ma propre initiative que je suis venu le chercher sur-le-champ. Alors ?
    - Alors je comprends. Je vous le ramène de suite, il est dans mes appartements. Pouvez-vous m’attendre une petite minute ? En attendant, je vais vous faire porter une coupe d’ale bleue.
    - Bien sûr que je vais vous attendre. Je n’ai pas fait tout ce chemin pour rien… »

    Node avait tenu parole : bientôt un serveur lui apporta son ale bleue. Jilezor s’installa confortablement dans l’un des fauteuils capitonnés qui s’offrait à lui, et profita du luxe ambiant. Il se concentra sur la chanteuse. La musique et les paroles lui étaient inconnues, mais la voix était profonde et les intonations exotiques, il se laissa donc bercer. L’ale était un rien piquante, et sans doute assez forte. Il se sentait déjà plus léger qu’en entrant. Il reviendrait ici, et même, s’il le pouvait, il y entraînerait Sheen. Ce genre de lieu de perdition chic lui plairait sûrement. Il faudrait juste choisir un jour où la chanteuse serait remplacée par un chanteur. Il ricana mollement à cette idée. Et pourtant, ça ne serait que justice qu’elle soit aussi un peu jalouse après tout. De quel droit le traitait-elle ainsi ? Dans son monde, il était un grand mage, reconnu et puissant. Même si, bon d’accord, ici il n’était rien, à part le mari de son épouse, comme l’avait fait remarquer ce gredin de Node. D’ailleurs où était-il, celui-là ? Jilezor alpagua un serveur, peut-être un peu trop bruyamment :

    « Eh, oh, toi. Va chercher ce sacripant de Node. Ca fait plus de cinq minutes que je l’attends…
    - Messire ? L’aller chercher où ?
    - Mais dans sa chambre, ventre gris ! Où donc ailleurs ?
    - Il y a méprise, Messire, le sieur Node n’a pas retenu de chambre dans notre établissement récemment. Mais si Messire le souhaite, je peux faire demander après lui dans le reste de notre établissement.
    - Oui, très bien, faites donc ça. »

    Et il s’enfonça de nouveau profondément dans son siège. L’ale lui faisait tourner un peu la tête, mais il commençait à se poser des questions sur le fameux cadeau. Qu’est-ce qu’un pathétique militaire pouvait avoir à offrir à Sheen ? D’ailleurs, qu’est-ce qu’elle pouvait bien lui trouver, à part qu’il était… ‘mignon’ ? Pour toute réponse, il fit descendre d’un coup sa troisième coupe d’ale. Ça, au moins, ça le réchauffait un peu.
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    Jilezor
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    MessageSujet: Re: De Haut Vol   De Haut Vol Icon_minitime13/05/09, 08:47 pm

    « Messire ? Le sieur Node n’y est plus.
    - Quoi ? Où n’est-il plus ?
    - Faites excuses, Messire, je veux dire : il est parti.
    - Mais quand ça ?
    - Il y a de cela quinze minutes environ. Il a réglé par avance les consommations de Messire.
    - Sait-on où il habite, cet animal ?
    demanda-t-il, avec un peu de panique dans la voix.
    - Ce genre de détail, Messire, nous ne pouvons les communiquer, vous le comprendrez aisément. Toutefois, en ce qui concerne le sieur Node, j’ignore où il a ses quartiers. Mais si je devais supposer, je dirais qu’il n’est pas d’ici. »

    Jilezor glissa une pièce d’argent dans la main du serveur. Il était conscient qu’il devait quitter les Deux Mondes et retourner auprès de Sheen, lui avouer son échec. Mais il s’en sentait tout bonnement incapable. Déjà que dans ce monde, il n’était rien, le fait de rentrer impliquerait qu’en plus, il n’était bon à rien. Et d’ailleurs, comment allait-il expliquer tout cela à son épouse ? Bien sûr, rester ici n’améliorerait en rien la situation, mais au moins cela lui laissait le temps de réfléchir à trois points cruciaux. Le premier : où se trouvait donc Node ? Le second : ce qu’il lui ferait subir s’il le retrouvait. Et enfin : comment présenter cela à Sheen sous un meilleur jour. Comme tout cela était vain, il leva le camp.

    Inconscient de la dramatique tournure des évènements, Neven faisait montre de son ardeur coutumière, et tenait un trot énergique. Régulièrement, Jilezor devait donner des bras pour ramener l’animal au pas, traitement qui faisait piaffer le hongre. Il se rebellait contre ce traitement à grands coups de tête, tentant d’arracher les rênes à son cavalier. Jilezor en venait à se demander comment il avait pu trouver sympathique ce maudit canasson. Bien décidé à briser les velléités de l’équidé, Jilezor tira un grand coup sur le mors pour lui apprendre qui était le maître. Neven se cabra, ce qui, rétrospectivement sauva la vie de Jilezor.

    Jilezor ne vit jamais les traits. Il entendit le feulement du premier à moins d’un pied devant lui, et il sentit un second s’enfoncer dans son bras gauche. Le cri qu’il poussa couvrit tout le reste. Neven parti au galop, faisant chuter son cavalier et le traînant, retenu par un étrier, sur une centaine de mètres. Jilezor, à chaque seconde, tentait de lancer un Bouclier de Mana. C’est quand il rebondit, douloureusement, sur un pavé plus gros que les autres, que son pied se libéra de l’étrier. Il avait l’impression d’être plus mort que vif, mais un impérieux réflexe de survie lui intima de se cacher. Il avisa la première ruelle et s’y glissa, tant bien que mal. Tout son corps lui envoyait des signaux de détresse, et il avait toujours un carreau d’arbalète planté dans le bras. Non sans une dose d’ironie, il s’étonna lui-même de n’être pas encore tombé en pamoison.

    Avant de poser trop de question, il décida d’arracher le carreau. Puis il appliqua, assez mal, sur la plaie un bandage en gangrétoffe tiré de sa gibecière. Enfin, avec lenteur, il inspecta le reste de son corps. Sa jambe gauche lui faisait un mal de chien, et il avait des bleus, des bosses et des écorchures, à peu près partout. Il nota toutefois que l’auriculaire de sa main droite était totalement intact, ce qui lui redonna un brin d’espoir. Il s’accorda deux minutes supplémentaires de pause avant de repartir. D’ailleurs, où diable aller maintenant ? Il était tombé dans une embuscade. Impossible de savoir si d’autres pièges ne l’attendait pas jusqu’au domaine.

    Tout héros qu’il était, il fit demi-tour. L’Auberge des Deux Mondes était plus proche, et de ruelles en ruelles, il pouvait s’y rendre sans trop s’exposer. En tout cas, c’était le plan. Et traînant la jambe, mais toujours aux aguets, il y parvint péniblement. L’établissement était encore ouvert, mais les gens en sortaient bien plus qu’ils n’y entraient. Ce qui arrangeait Jilezor, vu son état. Très prévenant, le majordome fit semblant, avec talent, de n’en rien remarquer.

    « J’ai besoin de vous louer un cheval, et j’ai besoin qu’on me mène à un responsable ici : je dois retrouver cet assassin de Node ! Jilezor faisait son possible pour ne pas hurler.
    - Messire, calmez vous. Il va sans dire que nous allons gracieusement mettre un cheval à votre disposition, eu égard à votre illustre famille. En ce qui…
    - Ma famille ? Mais qu’est-ce que… Oh, oui, la famille de mon épouse. Bien sûr ! Savez-vous où je peux trouver Node ? Quelqu’un ici le sait-il ?
    - À vrai dire, le gentilhomme Node est quelqu’un de plutôt discret. On ignore où il réside. Toutefois…
    - Toutefois quoi ? Allez-y ! Vous savez bien : eu égard à mon illustre famille…
    - Toutefois, il y a tout lieu de penser qu’il est l’ami de la Baronne de Beaumont. Il a fait demander plusieurs fois à ce qu’on lui fasse parvenir des plis ou des objets. Enfin, je peux moi-même attester que la dame est venue dans sa chambre. Et seule. Si Messire voit ce que je veux dire.
    - Messire voit très bien. Donc Node est l’amant et sans doute l’homme de main de cette Beaumont. Mon épouse saura l’aide que vous m’avez apportée. Où se trouve cette Baronne ?
    - La Baronne de Beaumont n’est pas d’ici, Messire. Mais elle a une propriété tout au sud de la ville, elle vient y passer parfois quelques mois. J’ignore si elle s’y trouve présentement, mais c’est le seul endroit où Messire pourrait la trouver. »


    Jilezor lui glissa une pièce d’or dans la main, et se fit expliquer plus en détail la route pour se rendre dans l’hypothétique propriété. Il se doutait bien qu’il serait difficile de s’y introduire, mais c’était son seul lien avec Node à l’heure actuelle, et il tenait bien à accomplir la mission que lui avait donnée Sheen, et aussi, en guise de bonus, venger ses blessures.

    Avec la blanche Aldis, la jument qu’il devait à la renommée de son illustre famille, il partit à la recherche de la Baronne. Mais cette fois, il faisait preuve de prudence, évitant de rester à découvert, vérifiant s’il était suivi, essayant de tromper d’éventuels poursuivants. Ce qui l’animait, ce n’était pas la peur, loin s’en faut – pour tout dire, l’envie d’en découdre faisait son chemin – mais il voulait que Sheen soit fière de lui…
    à suivre
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    MessageSujet: Re: De Haut Vol   De Haut Vol Icon_minitime15/05/09, 06:00 pm

    La propriété Beaumont ne fut pas compliquée à trouver. Et malgré l’heure très tardive, les grilles en étaient ouvertes. Il y avait là grand battage, des hommes montaient des caisses dans des carrioles, d’autres sellaient des chevaux, cela sentait le départ précipité. De Node, il n’y avait aucune trace, mais Jilezor ne trouvait rien d’inquiétant à cela : toute cette activité nocturne montrait que la Baronne et lui étaient aussi liés qu’on le pensait aux Deux Mondes. C’est à peine s’il hésita avant de choisir l’attaque frontale. Il fonça tête baissée au milieu de cette ruche. Et il s’apprêtait à demander la Baronne.

    « Jilezor ?! La voix était lente et flûtée. Il s’agissait assurément de la Baronne de Beaumont.
    - Oui, c’est moi. Jilezor, le mari de sa femme. Et vous, d’où me connaissez-vous ? Le ton ironique cachait mal son énervement.
    - Je ne vous connais que de nom, en fait. Qu’est-ce que…
    - Non, non, attendez... Moi, je vous connais. Je vous ai déjà vue…
    -Me voici démasquée. Oui, nous nous sommes croisés à la porte des appartements de votre épouse, cet après-midi même.
    - Ah oui, en effet. Je viens pour Node… Et écoutez, je sais le lien qu’il y a entre vous et Node. Alors, je vous prierais de…
    - Vous savez ?... Mais qui vous l’a dit ?
    - Voyons, d’après vous, qui m’envoie ?
    - La Renarde ? et il y avait de la peur dans sa voix.
    - Si fait, la Renarde. Vous savez pourquoi je viens, alors ?
    - Mais non… Attendez un instant. Ceci est trop important. Venez à l’intérieur, nous y serons plus au calme pour parler. Ici, on ne sait qui pourrait nous entendre. »

    Et elle le fit entrer dans un petit salon. Il la suivit obligeamment, essayant de paraître le plus déterminé possible. Mais la douleur qui irradiait de son bras, et plus encore de sa jambe, le faisait grimacer, et lui ôtait toute crédibilité dans ce rôle. Exactement à l’opposé, la Baronne faisait merveille comme maîtresse de maison, et fit servir du thé brûlant. Parfaite hôtesse, elle parlait de tout et de rien. Elle lui fit même porter des habits à sa taille. Et le temps qu’il se change, dans un boudoir attenant, il y avait même une décoction spéciale qui l’attendait.

    « Qu’est-ce donc ?
    - À cette heure, je n’ai pas de guérisseur sous la main. Mais ceci fera au moins disparaître la douleur. C’est le moins que je puisse faire.
    - Surtout si on pense que, via Node, vous êtes à l’origine de mes tourments. D’ailleurs, comment être sûr que ce n’est pas du poison ?
    - Si je suis l’origine de vos tourments, alors c’est bien indirectement, croyez-le. Et je ne toucherais pas au moindre de vos cheveux. Je ne sais pas bien quelle relation vous avez avec la Renarde, mais je ne prendrais aucun risque.
    - Quelqu’un pourtant a eu moins de scrupule que vous… Une idée ?
    - Non, je ne sais pas. Les Autres, sûrement. Vous savez dans le Jeu, je n’ai qu’un tout petit rôle : je fais passer les messages, c’est tout.
    - Les autres, le jeu ? Mais de quoi parlez-vous, à la fin. »

    Elle but son thé lentement, à petites gorgées. Elle en profitait pour l’observer, tout aussi lentement mais par contre tout à fait ostensiblement. Cet examen énervait Jilezor au plus haut point, mais s’il voulait des réponses, il allait devoir jouer serré. Ce qu’il le rassurait un peu, c’est qu’il sentait comme une certaine crainte. Cela, il l’espérait, le mettait en position de force. Il attendit que la Baronne reprenne la parole.

    « La Renarde ne vous a pas affranchi ? Vous n’avez pas l’air de connaître les Règles.
    - Non, je ne connais pas les règles, Sheenagh ne m’a rien dit de cela.
    - Ça, par exemple, c’est une règle : dans ce genre de discutions, pas de noms. Dites plutôt la Renarde, c’est son nom de code. Moi, c’est Janus.
    - Et moi ? demanda-t-il, au comble de l’exaspération. L’Aiglon ? Non, mieux, le Renard. C’est ça ?
    - Pour le Renard, c’est déjà pris. Le propre père de la Renarde. Quant à vous, vous êtes un trop petit Joueur pour avoir un nom de code. Désolée.
    - Joueur, jouer, le jeu, vous en avez parlé plusieurs fois. Qu’est-ce que c’est ?
    - Le Jeu… soupira-t-elle, en regardant la pendule. Il s’agit du Grand Jeu, le Jeu des Nations, le Grand Jeu du Pouvoir. Il faudra vous suffire de cette définition. Maintenant, pourquoi êtes-vous réellement ici ?
    - Non, non. C’est encore moi qui pose les questions. Que vient faire mon épouse dans tout ça ?
    - Vous ne savez vraiment rien ? La Renarde est une des plus grandes Joueuses de ce côté-ci. Les Autres n’aimeraient rien de mieux que de l’éliminer du Jeu, mais ils ne peuvent rien tenter de direct contre elle. Mais depuis, vous êtes arrivé, et tout le monde se pose des questions à votre sujet. De chaque côté, d’ailleurs.
    - Eh bien, je suis son mari, voilà tout. Quelle question !
    - Oh oui, bien sûr. Ça c’est la partie officielle. Mais en réalité ?
    - Mais c’est la réalité !! se défendit-il avec toute la véhémence dont il était capable.
    - Soyez sérieux. Qu’irait faire une femme comme elle avec un homme comme vous ? Sans vouloir vous offenser. Et puis, on sait de source sûre que vous la vouvoyez. Avouez que dans le rôle du mari, vous n’êtes pas très crédible. Non, tout le monde se demande pourquoi elle garde quelqu’un comme vous auprès d’elle. Je veux dire quelqu’un d’aussi incompétent. Vous voyez, elle n’a même pas fait l’effort de vous affranchir des Règles du Jeu… »

    Jilezor était proprement abasourdi. Il ne trouvait rien à dire. Le pire, c’est que tout ça était plus que plausible. Elle avait parfois évoqué le fait qu’elle donnait des coups de main à je-ne-sais-quel service de renseignements.
    à suivre
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    MessageSujet: Re: De Haut Vol   De Haut Vol Icon_minitime18/05/09, 10:17 am

    « C’est une espionne ?
    - Ici, on dit une Joueuse. Bref, il y a plusieurs théories à votre sujet. Certains pensent que vous êtes juste un homme de main, mais je n’y crois guère. D’autres pensent que vous êtes un appât : qu’étant donné votre inaptitude, les Autres ne manqueront pas de vouloir vous retourner à leur profit, mais que c’est elle qui vous utilisera contre eux. Enfin, beaucoup pense que vous n’êtes là que pour semer le trouble dans le jeu, voire donner une explication vraisemblable à sa grossesse. Je penche pour cette théorie.
    - Et il n’est venu à l’idée de personne qu’elle pouvait être réellement ma femme, et que l’enfant soit de moi ??
    - Non. Bien, et maintenant, pourquoi êtes-vous là ? C’est bien la Renarde qui vous envoie ?
    - Oui, oui. Elle veut un objet, un cadeau pour elle. Elle m’a dit que c’était important.
    - C’est impossible, voyons… Quand nous nous sommes croisés, je venais juste de le lui remettre. Tout cela est proprement ahurissant. Sur quoi, elle se leva, en fixant la pendule. À moins que ?! Par deux fois, elle fit le tour de la pièce, comme perdue en elle-même. Je ne vois guère que trois explications. Et encore… La première n’est pas très sérieuse.
    - Allez-y, dites toujours.
    - Premièrement, elle vous envoie pour me liquider, pour effacer les traces qui remontent jusqu’à elle. Elle levait les sourcils en le disant.
    - Et c’est pour ça que vous leviez le camp, n’est-ce pas ?
    - En effet, mais ce n’est pas vous qu’elle aurait envoyé en ce cas. Et puis, si je suis encore en vie, c’est que c’est autre chose, n’est-ce pas ? Seconde hypothèse, l’objet est un faux, elle s’en est rendue compte, et elle pense que c’est moi qui ai escamoté le vrai. Elle vous envoie en guise d’avertissement amical.
    - Je ne sais pas, c’est possible.
    - Une autre chose possible : vous mentez. Vous travaillez pour le compte des Autres et vous pensiez que j’avais encore l’objet et vous avez cru ainsi doubler la Renarde. Avouez que ça expliquerait beaucoup de choses.
    - Mais non, ça n’expliquerait rien. Et surtout c’est faux ! Et qui, dans ce cas aurait voulu me tuer ?
    - Évident : la Renarde. Mais ça ne reste qu’une hypothèse. Voici ce que je propose. Nous prenons mon fiacre, et nous allons voir la Renarde justement. Si vous mentez, on le saura vite. Si par contre, il s’agissait d’un faux, je plaiderais ma cause. D’accord ?
    - D’accord, je n’ai rien à craindre de ma… de la Renarde. Il espérait que c’était bien vrai.
    - Vous savez, l’Aiglon, je crois que l’un de nous deux ne verra pas le jour se lever. Et j’ignore complètement lequel. Mais tout ça fait partie de l’excitation du Grand Jeu !
    - Et bien moi, je ne trouve pas cela excitant du tout.
    - Non, ce qui serait dommage, un vrai gâchis même, c’est qu’elle ait décidé de nous éliminer tous les deux. »

    Et le temps que le fiacre soit prêt, elle se glissa de nouveau – et à la perfection – dans son rôle d’hôtesse. Il dévora des biscuits salés qu’elle avait fait apporter. Il l’écoutait, femme du monde, babiller sur tous les potins du gotha. Mais plus que tout, il évitait de penser à sa propre femme, à la Renarde, si ces deux-là étaient bien la même. Existait-elle en deux versions : l’une douce et aimante, et l’autre froide et dangereuse ? Deux faces d’une même pièce ? Il le saurait bien assez tôt, d’ailleurs, et cela lui faisait froid dans le dos. Il se concentra sur la Baronne. Elle aussi était à double face : un instant elle parlait de l’excitation du Grand Jeu, et l’autre elle papotait sur les toilettes à la mode. Est-ce que toutes les femmes étaient ainsi ?

    Malgré tout, il lui donna le bras pour aller jusqu’au fiacre, et l’aida même à y monter. Jeu ou pas, il restait un gentilhomme. Toutefois, il n’avait pas assez d’énergie pour reprendre la conversation : il s’enferma dans son esprit pour y ressasser tout ce qu’il avait appris. La Baronne n’osa pas tout de suite l’interrompre. Le fiacre remontait la ville quand le naturel reprit le dessus – la Baronne ne pouvait pas rester si longtemps sans parler :

    « Vous semblez bien sombre…
    - Vous trouvez ? demanda-t-il, en ponctuant sa question d’un sourire ironique. Et vous trouvez que j’ai tort, sans doute ?!
    - Oui, exactement. Vous avez tort. En fait, vous prenez tout ça trop à cœur. N’y voyez rien de personnel, c’est juste le Jeu.
    - Juste le jeu ??...Si vous le dites. Merci en tout cas.
    - Merci ? Mais pour quoi ? Pour les biscuits salés ?
    - Pour ça aussi, dit-il en souriant. Non : merci pour m’avoir appris la vérité. Sur la Renarde. Et sur moi, du même coup.
    - Bah, ce n’est rien : je connais juste un très bon pâtissier. Et elle fit un petit geste ambigu. Vous savez, je ne comprends toujours pas pourquoi la Renarde vous garde à ses côtés. Toutefois, je trouve votre naïveté presque touchante.
    - Vous ne seriez pas en train de me faire du plat ?
    - Non, ce n’est pas mon genre.
    - Ah, ça tombe bien, car ce n’est pas le mien non plus ! »

    Et ils rirent de concert. La tension diminuait d’un cran à l’intérieur du fiacre. Jilezor se sentir obligé d’ajouter :

    « Vous savez, je plaiderais votre cause auprès de ma… auprès de la Renarde. Et puis d’ailleurs, je suis persuadé qu’on verra tous les deux le jour se lever !
    - Quel optimisme !
    - Non : regardez le ciel, Baronne ! Ca sera l’aube avant qu’on arrive au domaine. Et il tenta de lui faire son plus beau sourire.
    - Mais c’est de l’humour ? C’est terriblement mauvais, mais j’apprécie toutefois l’effort. Elle sourit. Au fait, vous pouvez m’appeler Lysa. »

    Il eut l’impression que l’air se chargeait d’électricité, se mettait à crépiter entre eux. Il sentit la décharge d’énergie traverser le fiacre dans un bruit de tonnerre, pour exploser en une grande lumière bleue. On aurait dit que l’enfer se déchaînait autour d’eux. Vainement, il tenta de lancer un Gardien de Feu. Embuscade ! cria la Baronne, pendant qu’on entendait le cocher hurler de douleur. Le fiacre tanguait, et quand les roues de gauche se disloquèrent proprement, il bascula avec violence sur le côté, envoyant Jilezor et la Baronne valdinguer en tout sens à l’intérieur du véhicule.

    Quand ils s’immobilisèrent enfin, on entendait le bruit sec de projectiles se plantant dans le bois précieux du fiacre. Ce fut la Baronne qui se releva la première, elle avait sorti d’on-ne-sait-où un poignard à la lame effilée. Du sang – le sien, sans doute – poissait son visage, et la robe haute couture était en piteux état.
    à suivre…
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    MessageSujet: Re: De Haut Vol   De Haut Vol Icon_minitime22/05/09, 02:44 pm

    « Je sors la première. Vous me suivez deux secondes après : il faut se mettre à couvert avant que leur mage ne remette ça.
    - Mais ? Et les archers ?? »

    Soit qu’elle ne l’entendit pas ou bien qu’elle n’ait rien à faire de son avis, elle se projeta hors des décombres du fiacre, en hurlant : À la grâce des Dieux ! Jilezor compta deux secondes – une deux – avant de s’extirper du tombeau fumant et s’élancer lui aussi vers la ruelle la plus proche. Jamais le fait de traverser une rue ne lui avait parut si long. Il eut le temps de voir le corps du cocher qui gisait une dizaine de mètres plus loin, comme désarticulé, mais qui tenait toujours son fouet bien en main. Il remarqua que le ciel commençait à s’éclaircir, mais qu’une étoile faisait de la résistance. Il vit les tireurs embusqués se préparer – avec juste suffisamment de retard – à tirer une salve supplémentaire. Enfin, il atteint son objectif : la pénombre de la ruelle. Le temps reprit un cours à peu près normal.

    La Baronne s’était moitié-assisse moitié-affalée contre le mur. Jilezor ne vit d’abord que son visage tant elle était pâle. Puis ensuite, il vit les flèches qui s’étaient fichées en elle, comme dans un mannequin d’entraînement – les flèches qui m’étaient destinées, pensa-t-il. Elle avait lâché le poignard, que son sang goutte à goutte commençait à recouvrir. Il se dit : Elle est morte. Mais elle tourna son visage vers lui. Avant qu’elle ne dise quoi que ce soit, il prit la parole :

    « Ça va aller, Baronne, on est presque tirés d’affaire, mentit-il. Encore un petit effort, il faut qu’on file avant qu’ils trouvent le courage de nous poursuivre... Non, ne dites rien, vous allez vous appuyer contre moi. Il l’aida à se relever, le plus doucement possible.
    - Jilezor... Ça n’avait... rien de personnel.
    - On sera bientôt hors de danger, je vous le promets.
    - Vous mentez mal... Pourquoi il fait si... sombre ? Elle cracha un peu de sang.
    - Mais non, le jour va se lever au contraire. Vous verrez le jour se lever, dans quelques minutes.
    - Jilezor, un albreur... s’alluipie sur ses lacinerés... pour lrimpégua vers le lielesé.
    - Un quoi ? Un albreur ? Elle commençait à divaguer, ça ne faisait aucun doute pour Jilezor.
    - Ecoutez et retenez ça... un albreur s’alluipie... sur ses lacinerés pour lrimpégua vers le lielesé. Allez-y... répétez...
    - Vous me direz ça, tout à l’heure quand on sera au calme, hein ? Il se retournait pour vérifier qu’ils avaient encore un peu d’avance.
    - Non, répétez... Pour moi... »

    Et pour lui faire plaisir, il répéta bien dix fois la phrase sans queue ni tête avant qu’elle ne finisse par perdre connaissance. Enfin, ils arrivèrent au bout de la ruelle. C’était une impasse.

    S’il n’avait pas eu la responsabilité de la Baronne, il se serait laissé mourir devant une telle ironie du sort. Ma vie n’est-elle donc qu’une impasse ? Mais il n’avait pas le droit de baisser les bras : il y avait bien plus que sa vie en jeu ici. Il fouilla sa gibecière, peut-être y trouverait-il des bandages en gangrétoffes pour la Baronne ? Non, bien sûr, il les avait utilisés un million d’années plus tôt, cette même nuit. Il trouva des cristaux explosifs, totalement inutiles hors d’Azeroth. Sans même s’en rendre compte, il se mit à pleurer. Il pouvait voir les silhouettes de trois brigands en train de se rapprocher. Là, il baissa les bras : Alors, soit. Si c’est comme cela que tout doit finir, dans une ruelle crasseuse, sur un autre monde...

    Sur un autre monde ? Elle était là, la solution : Azeroth. Il se mit fébrilement à retourner sa gibecière, mais cette fois il savait ce qu’il cherchait : le module étrange donné par sa belle-mère. Aussitôt en main, il en actionna le cristal central, en priant pour qu’il fonctionne malgré les chocs répétés. L’air se mit alors à vrombir, et à se condenser en un grand anneau étincelant : le portail apparaissait, éclairant la ruelle d’une lumière crue, faisant apparaître trois longues ombres. Tout au bout de ces ombres, trois assassins se tenaient terriblement proches de Jilezor et de la Baronne.

    Sans réfléchir, Jilezor envoya le module étrange vers le plus proche des trois, avec toute la force dont il était encore capable. Il s’était détourné bien avant quand le projectile improvisé ne fit mouche, et il n’entendit même pas le boîtier se briser : il était déjà en train de prendre la Baronne dans ses bras pour lui faire passer le portail. Il sauta dedans avec l’énergie du désespoir.

    Comme toujours le voyage le désorienta, et il espérait grandement que d’éventuels poursuivants seraient encore plus désorientés que lui. Avant même d’avoir retrouvé ses esprits, il déposa la Baronne sur le sol boueux. Ils se trouvaient dans un marécage, semblait-il. Aprefange ou Menethil ? se demanda-t-il. Mais la question fut bien vite reléguée en arrière-plan : deux des malandrins avaient trouvé le courage de passer à travers le portail. Mais cette fois, les choses étaient bien différentes, ce n’était plus à un simple couturier qu’ils avaient affaire. À la vitesse de la pensée, Jilezor incanta Présence Spirituelle puis Pouvoir des Arcanes pour ensuite lancer Explosion Pyrotechnique sur le plus costaud des deux gredins. Celui-ci fut projeté près de trente pieds en arrière par la déflagration. Heureusement pour lui, il était mort avant que ses restes calcinés ne touchent le sol.

    Devant l’enfer qui venait de se déchaîner, le dernier brigand hésita – ce fut sa perte. Jilezor le cloua sur place par une Nova de Givre, et se délecta de son effroi lorsqu’il fit pleuvoir sur lui une dizaine de Javelots de Glace. Dès le quatrième, le pauvre hère était passé de vie à trépas, mais Jilezor était pris dans une telle rage que cette mort prématurée n’assouvissait en rien son désir de vengeance.

    Quand la raison lui revint, il tomba à genoux comme épuisé. Il regarda alors autour de lui. On entendait au loin le ressac, et il reconnut la tanière typique de murlocs à quelques distances. Sans doute le marécage de Menethil. Ici, le soleil était déjà levé et on pouvait croire que c’était lui qui donnait vie aux plantes et aux créatures qu’on devinait un peu partout.

    « Vous voyez : le jour s’est levé, finalement. Je tiens toujours mes promesses, Baronne. Et, pataugeant dans la boue, il se rapprocha d’elle. Baronne ? Vous m’entendez ?... Eh, Beaumont, ne me faites pas ça... Oh, non, Lysa, vous n’avez pas le droit... »

    Mais la Baronne était définitivement partie. Il n’osait pas toucher le corps sans vie. Et en pleurant, il se jura que quelqu’un paierait pour ce gâchis.

    FIN
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